Jaarboek 1985-1986 - pagina 77

Laudatio prof.dr. R. Girard door prof.dr. S.A. Varga

Notre université, et en particulier la Faculté des Lettres est tres heureuse de vous compter désormais parmi ses docteurs. Vous êtes un homme célèbre. De vos sept livres écrits en francais, quatre ont été traduits jusqu'ici en anglais, trois en espagnol, en italien et en japonais, deux en allemand et en polonais - et plusieurs ont connu Ie succes de la réédition sous format de livres de poche. Des revues d'orientation tres différente vous ont consacré des numéros spéciaux, des colloques ont été organises pour discuter vos idees, des théologiens, des économistes et des psychiatres ont écrit des ouvrages pour montrer que leur recherche spécifique, si éloignée qu'elle soit de vos propres preoccupations, s'inspire et s'enrichit de la vötre. Cependant, ce serait un peu triste - et passablement snob - si notre joie, aujourd'hui, s'arrêtait a ces signes extérieurs; la cérémonie que voici vise quelque chose de plus profond: elle entend témoigner de l'intérêt passionné que vos recherches suscitent chez nous, - vos recherches qui sont en train, me semble-t-il, de renouveler Ie statut des sciences humaines dans Ie monde actuel. Il est, bien entendu, impossible de résumer ici vos theses principales, qui connaissent a présent un tel rayonnement, concernant Ie désir mimétique, la violence sacrificielle et la religion. Je me limiterai done a relever deux points qui me semblent essentiels pour votre démarche et qui en constituent, pour ainsi dire, Ie point de depart et Ie point d'arrivée. Le point de depart - il faut, je crois, insister la-dessus-, c'est la littérature. De nos jours, c'est presque un scandale que de prendre la littérature au sérieux; dans les sociétés précisément les plus avancées, l'étude de la littérature est souvent reléguée parmi les activités de loisirs: elle ne comporte, dit-on, aucune utilité pratique. 'L'époque est hostile Qe vous cite), a l'idée d'une collaboration des oeuvres littéraires, même les plus grandes, a l'entreprise du savoir! Or vous qui avez eu une formation d'historien et non de littéraire, vous savez montrer quel danger il y a a ne pas bien lire les textes, a leur refuser la parole, a leur dénier toute signification réelle qui aurait une prise sur notre monde et notre vie. Vous nous offrez des lectures qui nous étonnent au premier abord: vous rendez son sens profond au denouement, souvent considéré comme invraisemblable, de Le Rouge et le Noir, vous dénoncez l'inauthenticité romantique de l'Etranger de Camus pour le rapprocher - horribile dictu! - de certains textes de Vigny et de Valéry. La société dans laquelle nous vivons et que certains appellent postmoderne, se caractérise, selon la belle formule de Lyotard, par la disparition des grands récits, par une incapacité a croire aux récits qui fondent les communautés. Or votre travail consiste au depart a nous faire relire les grands récits de la littérature mondiale, de Cervantes a Dostoievski, afin d'en saisir le sens terrifiant et inachevé: désirs inauthentiques, mimétisme, violence. Il faut réapprendre a croire, non pas aux 75

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